Commercialisation des données à caractère personnel
Commercialisation des données à caractère personnel
Les données à caractère personnel se révèlent être une véritable mine d’or, l’or à posséder absolument pour s’inscrire avec prééminence dans l’expansion économique présagée.
Après son l’exploitation à titre gratuit menée par quelques Géants du Web, nous assistons désormais à une nouvelle tendance, celle de la commercialisation des données à caractère personnel.
Ce phénomène a suscité et suscite encore une véritable attention tant pour la subtilité que nécessite l’opération, puisqu’il s’agit de données liées à la personne, que pour les controverses qui y sont rattachées notamment avec l’affaire cambridge Analityca qui révélait l’utilisation de plus de 87 millions de données personnelles des utilisateurs d’un réseau social que ladite société aurait exploitée depuis 2014 afin d’influencer les intentions de vote en faveur de certains hommes politiques.
Qu’est ce que la commercialisation des données à caractère personnel ?
La commercialisation des données personnelles est, la mise sur le marché de circulation et de distribution des données à caractère personnel qui sont, selon l’article 1 de la loi n•2013-450 du 19 juin 2013 relative à la protection des données à caractère personnel : « toute information de quelque
nature qu’elle soit et indépendamment de son support, y compris le son et l’image relative à une personne physique identifiée ou identifiable directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, culturelle, sociale ou économique.
Il s’agit donc de la commercialisation de toute information indiquant directement ou indirectement une personne physique.
Par ailleurs, Les données aux fins de commercialisation sont diverses et peuvent être classées en différentes catégories tel qu’il en suit :
- les données relatives aux informations sociodémographiques (Nom, prénoms, âge, état civil)
- les données relatives aux informations comportementales généralement liées aux habitudes d’achats
- les données relatives aux informations de navigations
- les données révélant des centres d’intérêts.
Toutes ces données quel que soit leurs catégories tendent unanimement à soustraire des informations sur la personne afin d’asseoir les intérêts stratégiques des entreprises et plus encore.
La commercialisation de données personnelles : comment ça marche ?
La commercialisation de données personnelles est une opération qui requiert une certaine technicité, c’est pourquoi elle est effectuée généralement par les professionnels notamment les géants du Web.
Elle se fait en trois principales étapes : la récolte des données, le stockage et la redistribution des données.
Mais la plus essentielle demeure celle de la récolte.
Notons tout d’abord que la récolte ou collecte de données peut se faire de manière déclarative, c’est à dire que ce sont les internautes eux même qui fournissent des informations sur leur personne au travers des renseignements effectués notamment par le biais d’un profil logé, par exemple lors de la création d’un compte internet. le renseignement peut également se faire via les données CRM ( customer relationship management ) qui sont des données qui permettent principalement d’asseoir une stratégie de gestion des relations et interactions pouvant exister entre l’entreprise et le client.
La collecte des données personnelles peut se faire de manière plus discrète grâce à des traceurs qui au fur et à mesure montent une compile d’informations.
À l’aide de ces traceurs, un enregistrement automatique se fait à travers les cookies (fichier texte préenregistré sur les pages web) et, encore plus alarmant, par les recherches entreprises sur des moteurs dit de recherche à la suite desquelles les historiques de navigation et de téléchargement, les mots de passe ainsi que les données relatives au “Top Level domain ” ou plus généralement aux extensions (zone internet dans laquelle se situe le nom de domaine) sont récoltés.
Après la phase de la récolte, phase menée essentiellement par les géants du Web, les données sont croisées selon certains critères puis stockées sur des supports adaptés pour ensuite être transférées aux potentiels acheteurs, principalement aux Databrokers ou courtiers des données (Entreprise spécialisée dans la collecte et la revente des données personnelles), ainsi qu’à d’autres entreprises à des fins publicitaires d’où les publicités ciblées, mais également pour des besoins de stratégie commerciale.
Ce que dit le Droit…
IL est clair, l’exploitation des données à caractère personnel n’échappe pas au Droit notamment à l’ordre juridique ivoirien. En effet, la loi n• 450-2013 du 19 juin 2013 relative à la protection des données à caractère personnel a voulu encadrer les divers opérations effectuées sur les datas pour la protection des personnes physiques. Ainsi, le traitement de données est soumis à de multiples conditions et principes qui visent à assurer le respect de la personne, la protection de ses données ainsi que sa sécurité. Il s’agit entre autre de la déclaration préalable qui selon l’article 5 de la loi sur la protection des données doit être effectuée auprès de l’autorité de protection des données à caractère personnel, en l’occurrence l’Autorité de Régulation des Télécommunications de Cote ivoire (ARTCI) pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire.
Outre la déclaration, d’autres principes directeurs régissent le traitement des données tels que le principe du consentement préalable (article 14 de loi sus-citée), de l’utilisation de procédés licites et loyaux poursuivant des objectifs ou finalités tout aussi licites et loyales (article 16). Notons aussi le principe de la transparence qui selon l’article 18 de la loi sur la protection des données personnelles, implique une information obligatoire et claire, de la part du responsable du traitement, portant sur les données à caractère personnel. Par ailleurs, elles doivent être traitées de manière confidentielle et être protégées notamment lorsque le traitement comporte des transmissions de données dans un réseau (article 19).
Ainsi un arsenal a été mis en place pour réguler les opérations de traitement de données.
Cependant une question demeure, celle de la nature juridique de la commercialisation des données à caractère personnel.
Après analyse, il serait tentant d’assimiler la commercialisation des données personnelles à la Vente qui selon l’article 1582 du code civil ivoirien est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer.
Cela serait recevable puisqu’il s’agit apparemment d’un transfert de la propriété des données personnelles en contrepartie d’une rémunération.
Cependant, comme signifié plus haut, la loi relative à la protection des données subordonne l’exploitation des données à une obligation d’information relatives aux finalités poursuivies dans l’utilisation de ces données. C’est dire que l’acheteur de data(donnée) à l’obligation d’informer le vendeur donc l’internaute ou l’entreprise distributrice de données, de l’utilisation qu’il compte faire des données en sa possession.
Dans cette conception, il serait difficile de concevoir un transfert de propriété, la jouissance de la chose étant limitée par une obligation d’informer le cocontractant voire à une approbation préalable.
Or sans véritable transfert de propriété il ne pourrait avoir vente, (la vente étant principalement caractérisée par un transfert de propriété)
Ainsi plusieurs réserves restent à écarter dans la considération de la commercialisation des données comme vente. Cependant, elle s’apparenterait plus à un octroi de licence, un arrangement commercial dans lequel l’entreprise distributrices ou l’internaute donne une autorisation d’accès à ses droits.
Il est indéniable que la commercialisation des données à caractère personnel est une tendance et cela se perçoit aisément au travers la multiplication du nombre d’entreprise offrant des services de vente de donnée personnelles.
Même si cette tendance présente de nombreux avantages notamment dans l’économie numérique ainsi que dans le développement des entreprises, elle n’en demeure pas moins assortie de vices non négligeables et constitue, par ailleurs, une menace pour la protection de la vie privée des individus.
Par Olivia OURAKA